Expérimentations sonores ( musique du subconscient )
Les Statonells est un groupe crée en 2008 par des artistes plasticiens et musiciens . Leur base créative est axée sur l'éclectisme sonore. La transversalité étant une composante de leur façon d'entrevoir la musique, leurs sources d'inspiration sont plurielles :
Alliant essentiellement des rythmes divers au bruitisme, à l'expérimentation sonore et ambiante, leur proposition est un parcours poétique où les influences des arts plastiques et de la musique se rejoignent pour fonder un univers singulier . La vocation de ce groupe est de faire évoluer sa musique sur des chemins de traverses .
les statonells
Esprits frappeurs
( Portrait : Les Statonells le mercredi 22 Avr 2015 dans Ventilo n° 354 )
Ça commence lentement en spirale de tambours, de frôlements mécaniques et de couinements d’animaux, ça halète, ça s’emballe, ça grince, c’est un peu vaudou. Dernièrement, on a vu les Statonells improviser une bande-son hallucinée sur fond d’images d’archives, pour fêter l’ouverture de Vidéodrome 2 .
Un sens du tribal trippant, une énergie rock et un goût prononcé pour les expérimentations bruitistes que l’on retrouvera cet été à l’affiche du festival MIMI.
La rythmique qui pulse dans les improvisations des Statonells, c’est le maloya : la musique traditionnelle de l’île de la Réunion, héritée des chants des esclaves. « C’est une sorte de blues, une manière qu’avaient
les esclaves d’exprimer leurs souffrances et leurs joies, mais aussi de revendiquer leur identité par rapport aux maîtres », expliquent les Statonells. Sur scène, à côté du power trio batterie-basse-guitare, on retrouve les instruments traditionnels réunionnais : le kayamb, une sorte de caisse plate carrée en bambou qui chuchote comme les vagues, ou le roulèr, gros tambour construit à partir d’une barrique, qui apporte aux morceaux leur battement urgent. A cela s’ajoute une foule de petits instruments plus ou moins bricolés pour faire monter la sauce — des tablas au violon mandingue en passant par le couvercle de casserole.
Avant-garde ou tradition ? D’ici ou d’ailleurs ? Les Statonells aiment bien brouiller les pistes.
Freddy Duriès (cajùn, kayamb, etc.), Patrick Lombe (guitare préparée) et Thierry Cheyrol (clavier, percussions, etc.), qui forment le noyau dur du groupe, se sont rencontrés quand ils étudiaient à l’Ecole des Beaux Arts de la Réunion vers 2005. Les trois sont artistes plasticiens : Freddy pratique la peinture, Thierry la sculpture et Patrick la BD underground. « Ce qui nous liait tous les trois, c’était la musique. C’était un jeu : on se retrouvait après un repas et on tapait sur les tables. On faisait des bœufs, on jouait sur les plages. »
Le trio se retrouve quelques années plus tard à Marseille, où il monte un collectif d’illustrateurs : l’Auberge Floue. Ils produisent des fanzines, montent des expositions et les vernissages deviennent de nouvelles occasions d’improviser en public. « L’idée, ça n’était pas d’être un groupe de rock mais de trouver quelque chose de particulier, de personnel. » Plasticiens ou musiciens ? Au fond, c’est la même chose : le groupe brasse les textures musicales comme une matière plastique. « On voit la musique autant qu’on l’entend. On joue avec l’espace et la matière, c’est comme la peinture. »
Leur pratique expérimentale part de l’improvisation. « On est entièrement libres de faire tout ce qu’on veut musicalement. On peut partir d’une base rock ou jazz, et puis on met ça à notre sauce. »
La guitare dissonante de Patrick donne aux morceaux leur caractère hypnotique. L’instrument est « préparé » dans la plus pure tradition bruitiste, bidouillé au moyen d’objets en tous genres — stylos, élastiques, cutters — qui sont coincés dans les cordes pour déformer les sons et en faire un instrument percussif.
Pour achever de faire flotter les frontières, les Statonells se veulent aussi unité à géométrie variable : depuis sa création, le groupe se métisse au fil des projets et invite d’autres artistes à faire un bout de route avec eux. Précédemment, c’étaient les plasticiens Franck Omèr à la trompette et Rémi-Luc Saulnier au violon. Les membres invités du moment sont Maxime Lacôme (batterie) et Mathieu Léonard (basse), fondateurs du combo underground Le Groupe de New York.
Et au cas où vous vous posiez la question, pas moyen de faire dévoiler aux Statonells ce que veut dire leur nom. « On trouvait ça joli. C’est un nom abstrait sans signification précise. » Une autre manière d’inventer leur propre créole.
Valentine Leÿs